mercredi 23 mars 2016

Le tabac Tresniek de Robert Seethaler

272 pages
11 février 2016
Folio


En août 1937, le jeune Franz Huchel quitte ses montagnes de Haute-Autriche pour venir travailler à Vienne avec Otto Tresniek, buraliste unijambiste, bienveillant et caustique. Au Tabac Tresniek, où se mêlent classes populaires et bourgeoisie juive de la Vienne des années trente, il fera l'apprentissage de la vie. Conseillé par Otto et un vieux docteur malade, fidèle client du tabac prénommé Sigmund Freud, Franz tente de séduire Anezka, une belle artiste de cabaret dont il est tombé amoureux. L'humour viennois d'Otto Tresniek et de Freud est la politesse du désespoir dans une société déboussolée où ils ne trouvent plus leur place. Pas plus que leur protégé, plein de vie et de poésie, qui tentera pourtant, fidèle à leur enseignement, de nager à contre-courant.


Cette histoire s'inscrit dans les prémices de la Seconde Guerre Mondiale. Le jeune Franz est envoyé par sa mère chez un vieil ami habitant Vienne, Otto Tresniek, un buraliste unijambiste, pour l'aider à gagner un peu d'argent. Il découvre le monde du travail, et fait de belles rencontres : un certain Sigmund Freud et une belle danseuse du nom de Anezka. Ces 3 personnes vont bouleverser sa vie.

Il échange régulièrement des lettres avec sa mère, parlant de la pluie et le beau temps, si rien d'autre ne vient perturber ses pensées. Mais vient la montée du nazisme et la Gestapo est là. La légèreté des situations avec nos protagonistes fera place à l'inquiétude et la concrétisation de ce qui était tant redouté.

Ce roman se base sur l'Histoire et en fait un beau moment de lecture, à la fois douce, cruelle et triste. Ici est décrit une vie perdue parmi tant d'autres à l'époque où être juif est un fléau. Il est là pour nous évoquer ce fort contraste que le monde a connu avec Hitler : passer de la joie et l'insouciance à l'horreur et la mort. Et ce qui peut plaire aux lecteurs, c'est que nous n'entrons jamais dans le vif du sujet. Ce livre n'est pas là pour ça. Et quelque part, c'est ce qui le rend agréable.

Le tabac Tresniek fut une lecture légère au départ, avec une montée en tension et en émotion. L'écriture est juste, les pages défilent très rapidement.


Je remercie grandement les Editions Folio de m'avoir permis de découvrir cet auteur. 




mardi 15 mars 2016

Purgatoire des innocents de Karine Giebel

640 pages
15 mai 2014
Pocket


Je m'appelle Raphaël, j'ai passé quatorze ans de ma vie derrière les barreaux. Avec mon frère, William, nous venons de dérober trente millions d'euros de bijoux. Ç'aurait dû être le coup du siècle, ce fut un bain de sang. Deux morts, un blessé grave. Le blessé, c'est mon frère. Alors, je dois chercher une planque sûre où il pourra reprendre des forces. Je m'appelle Sandra. Je suis morte, il y a longtemps, dans une chambre sordide. Ou plutôt, quelque chose est né ce jour-là... Je croyais avoir trouvé le refuge idéal. Je viens de mettre les pieds en enfer. Quelque chose qui marche et qui parle à ma place. Et son sourire est le plus abominable qui soit...


Ce livre est mon premier de l'auteure. Je l'ai lu dans des conditions particulières. On me l'a offert comme livre mystère. Pour ceux qui ne connaissent pas ce principe, c'est offrir à quelqu'un de défini un livre recouvert qui cachera tout l'extérieur du livre et les pages intérieures comme le titre, les remerciements... Pour qu'à la fin, il ne reste plus que le texte en lui-même à la découverte du lecteur.

Le fait d'avoir découvert l'histoire au fur et à mesure, sans rien savoir de l'auteur, du genre, et du résumé, c'est très déstabilisant. Et lorsque l'on entre dans pareil huis clos, cela devient une lecture éprouvante, étouffante.

J'admets que Karine Giebel a une écriture très prenante, propre à elle. J'ai remarqué une différence avec l'écriture masculine dans les thrillers que j'ai pu lire. C'est ce qui me donne envie de lire un autre roman de cette auteure. Car j'avoue que le fond de Purgatoire des innocents m'aurait fait plutôt un effet repoussant s'il n'avait pas été aussi bien écrit.

Quatre malfrats font leur meilleur casse. Mais celui-ci se déroule mal et plusieurs personnes sont blessées. Dont William, le jeune frère, qui est blessé mais ne peut pas être soigné à l'hôpital. Situation d'urgence, l'équipe se réfugie chez une vétérinaire, Sandra.

En parallèle, nous découvrons un homme qui cherche à enlever une adolescente pour l'ajouter à son tableau de chasse. Dur de comprendre le lien avec le reste... Mais au bout d'un tiers du bouquin, cela se décante. Et c'est ce que je reproche à ce roman. Le premier tiers est lourd, redondant, et on se demande où l'auteure veut en venir. Puis survient LE fait. Et la tournure que prennent les choses redonnent un souffle à la lecture et donne envie de prolonger alors qu'on hésitait à abandonner.

Mais le problème, c'est que j'ai eu l'impression d'agoniser pendant près de 500 pages. Car ce livre de 640 pages regorge d'éléments qui peuvent facilement donner la nausée. Et c'est le sentiment que j'ai eu en voulant lire 100 pages en une seule journée. J'ai vu défiler sadisme, carnage, viol, sévices, et l'on terminera même par du cannibalisme. C'est assez éprouvant (encore plus quand on ne sait rien à l'avance, comme ce fut mon cas). Et bien que j'ai apprécié la trame de l'histoire, bien ingénieuse ma foi, je n'ai pas pu comprendre pourquoi tant de scènes aussi poussives, au-delà des limites que l'on se fixerait en lecture. C'est du gore, du pur, et je ne savais pas que Karine Giebel écrivait ce style-là.

Alors, je ne suis pas une sainte non plus, j'ai déjà lu des livres de ce style, mais pourquoi l'étendre sur 600 pages ? On se sent enfermé dans ce huit-clos à étouffer, à agoniser avec les séquestrés. C'est très dur à apprécier. 300 pages en totalité m'aurait amplement convenu.

Je critique ce point-là, mais j'ai tout de même (en faisant abstraction de tout ça) beaucoup aimé cette lecture, ça aurait même pu frôler le coup de cœur. Car sur les 30 dernières pages, je me suis étonnée lorsque j'ai senti les larmes couler sur mes joues. J'étais tellement prise par ce final que je n'ai pas vu l'émotion arriver. Et cela m'a bien fait réfléchir sur le contenu global de l'opus.


En bref, ne pas commencer les œuvres de Karine Giebel avec ce livre, elle en a sûrement écrit de moins horribles, et je suis moi-même certaine que je vais savourer d'autres de ces romans !


vendredi 11 mars 2016

A travers toi d'Aurore Seguier

129 pages
Actuellement en format Kindle
7 mars 2016


Juliette avait tout pour être heureuse : un mari, un travail plaisant, des amis et une grossesse tant attendue. Tout semblait lui sourire et rien n'aurait pu venir entraver son bonheur. Rien sauf peut-être cet homme au volant, cette pluie et cet accident. Ce jour-là, Juliette perd son bébé mais également toute sa vie. Plus rien n'a d'importance et jouer avec la mort semble être sa seule motivation. 

Plongée dans une profonde dépression, elle en oublie le monde qui l'entoure. 

C'est alors qu'Ethan entre dans sa vie. Un homme au passé trouble qui semble avoir une réelle empathie pour Juliette. Mais au-delà de l'amitié naissante entre eux, Juliette est-elle prête à mettre le passé derrière elle et recommencer à vivre ?



Voilà ici une belle découverte ! C'est très proche des thèmes que j'affectionne. Aurore Seguier nous dépeint avec force et justesse les divers sentiments que provoque la dépression. Car ici cet état est le moteur de l'histoire.

Juliette a subi un accident alors qu'elle était enceinte de 6 mois, et cette douloureuse perte la mènera au bord du gouffre. Même son mari ne supporte plus son état mental et préfère la quitter. Elle survit dans ce monde, empreinte de renaissance constante, alors qu'elle-même n'arrive pas à essuyer le deuil de son fils. Son père est la seule personne qui vient la voir de temps en temps, sa mère étant décédée...

Puis arrive le bel Ethan, la prévenant qu'il n'est que de passage, mais qui fera tout pour la remettre dans le droit chemin. Cette rencontre bouleversera la vie de Juliette. Mais pas seulement. Une autre histoire se dresse en parallèle et nous rappelle bien quels étaient (et sont encore) les préjugés d'avant. Le monde évolue, la vie change, et ce roman d'Aurore Seguier montre qu'il faut aller de l'avant, tout en gardant certaines choses du passé dans nos cœurs.

Cette histoire est une douceur, parfois triste, parfois révoltante, mais toujours très juste. Les deux histoires que relate ce roman m'ont profondément touchée, car je suis une maman, mais aussi une femme, et je suis très sensible à tout ce qui entoure l'amour de nos jours.

Vous le trouverez en vente ici  


mercredi 9 mars 2016

Le plus bel endroit du monde est ici de Francesc Miralles et Care Santos

188 pages
19 juin 2014
Pocket


Iris a 36 ans et des idées noires plein la tête : ses parents viennent de disparaître dans un tragique accident et, en une seconde, toute sa vie a basculé. Par un après-midi froid et gris, elle songe même à en finir. Son regard se pose alors sur la devanture d'un café auquel elle n'avait jamais prêté attention auparavant. Son nom étrange, Le plus bel endroit du monde est ici, éveille sa curiosité. L'intérieur est plus intrigant encore, comme sorti d'un rêve. Tout y semble magique, à commencer par Luca, bel Italien porteur d'une promesse : le bonheur.



Voilà un beau petit livre qui fait du bien ! J'aime beaucoup ces petites histoires qui souhaitent montrer les bienfaits de la vie, les tournures à lui faire prendre, qui nous montre que nous sommes les seuls maîtres de notre vie...

J'ai connu Francesc Miralles en 2012 avec Alexia, quand nous étions morts et ce fut un pur coup de cœur. J'attendais impatiemment la suite, mais au vu des années qui passent, je me lance dans ses autres livres. Et me voici avec Le plus bel endroit du monde est ici. Même si celui-ci n'est pas un coup de cœur, il n'en reste pas moins une excellente histoire. Et même si l'on se doute de la finalité, la surprise est bien là et tout prend un sens, une valeur.

Iris est une femme qui vient de perdre ses parents et suite à un ras-le-bol, elle décide d'en finir une bonne fois pour toutes. Mais une chose va l'en empêcher et elle fera la découverte de ce fameux café qui va lui changer la vie.

Raconté comme ça, cela fait petit, mais il n'en est pas moins un livre à placer à un moment où on a le cœur morose, où on a besoin de lecture qui regonfle le cœur.

Mais je n'en dirai pas plus car le roman est très petit, je risquerai donc de spolier l'histoire...


mardi 8 mars 2016

L'immeuble des femmes qui ont renoncé aux hommes de Karine Lambert

216 pages
10 juin 2015
Le Livre de Poche


Les hommes sont omniprésents dans cet immeuble de femmes… dans leurs nostalgies, leurs blessures, leurs colères et leurs désirs enfouis. Cinq femmes d’âges et d’univers différents unies par un point commun fort : elles ne veulent plus entendre parler d’amour et ont inventé une autre manière de vivre… Jusqu’au jour où une nouvelle locataire vient bouleverser leur quotidien. Juliette est séduite par leur complicité, leur courage et leurs grains de folie. Mais elle, elle n’a pas du tout renoncé ! Et elle le clame haut et fort. Va-t-elle faire vaciller les belles certitudes de ses voisines ?

Ce roman vif et tendre oscille entre humour et gravité pour nous parler de la difficulté d’aimer, des choix existentiels, des fêlures des êtres humains et de leur soif de bonheur. On s’y sent bien.


Il y a des années, la Reine s'est accaparé cet endroit et a décidé que les hommes n'y auraient pas leur place. Elle y accueillit Rosalie, Simone, Giuseppina et Carla, qui décide au bout de 4 ans de partir en Inde et qui a trouvé une personne pour la remplacer. Elle se nomme Juliette et est au courant des règles de la maison.

Ce roman se lit très facilement, tout en douceur, et il n'a pour prétention que de nous faire découvrir des bouts de vie de femmes tristes des choix qui se sont imposés à elles ou qu'elles ont dû prendre. Toutes ont fini par renoncer aux hommes, mais la belle Juliette ne l'entend pas de cette oreille ! Car elle est jeune et a encore toute la vie devant elle ! Alors oui, elle accepte de ne pas faire entrer d'homme, mais à l'extérieur, elle ne désespère pas ! Elle trouvera le grand amour, c'est obligé !
Non seulement Juliette va donner de la fraîcheur à l'endroit, mais aussi dans le cœur de ces dames résignées, qui finiront par l'apprécier réellement.

Ce que j'ai trouvé intéressant dans ce livre, c'est de connaître les motivations de chacune. Pourquoi renoncer aux hommes ? Quelles sont les blessures qui nous font décider telle chose ?

Karine Lambert a écrit un joli petit roman qui se déguste très facilement. Elle entre dans le vif du sujet sans passer par des moments de lourdeur.


Lu dans le cadre d'une lecture commune avec Marie du blog Mes Mots Passants.


vendredi 4 mars 2016

Kokoro de Delphine Roux

128 pages
21 août 2015
Editions Philippe Picquier


Seki pense que j'ai l'âge mental d'un gosse de dix ans, tout au plus, qu'il faudrait que je pense à grandir, à agir en homme. 

Le mot homme a peut-être été inventé pour d'autres que moi.
Il ne fait pas partie de mon dictionnaire intime.

Dans ce roman se fait entendre une voix ténue et obstinée, attentive aux mouvements subtils de la nature et des âmes. 
Koichi et sa sœur Seki n’avaient que douze et quinze ans lorsque leurs parents ont disparu dans un incendie. Depuis, ils ont le cœur en hiver. 
Seki s’est réfugiée dans la maîtrise et la réussite professionnelle. Corset diaphane à l'abdomen, stalagmites au coeur. Le début de l'ère glaciaire.
Koichi, lui, s’est absenté du monde, qu’il regarde en proximité. 
Mais le jour où il apprend que sa sœur va mal, très mal, Koichi se réveille et pose enfin les actes qui permettront à chacun de renouer avec un bonheur enfoui depuis l’enfance.



Après avoir commencé les premières pages, j'ai bien réalisé qu'il allait falloir que je sois très ouverte d'esprit, que ce livre serait très différent des autres. À la base, je pensais ça au niveau des chapitres, mais au final, cela va au-delà. À première vue, j'ai eu l'impression que ce n'était que des morceaux de vie et de réflexion du narrateur qui étaient mis bout à bout. Mais en réalité, il y a bel et bien une histoire suivie. Le petit hic, c'est que tout est raconté dans la quatrième de couverture. J'ai dû m'appuyer sur ce résumé pour me donner envie de continuer, car je n'étais vraiment pas emballée. Koichi raconte des choses de son quotidien qui ne m'ont pas du tout interpellée. En effet, il a cet air de grand gamin, il a du mal à affronter la vie comme un adulte, et la mort de ses parents doit l'affecter à un point que personne ne l'aurait réalisé. Mais pour moi, les chapitres survolent les faits. Il y a forcément de la subtilité à ne pas tout rendre explicite, mais ici je n'ai rien pu ressentir comme je l'aurais souhaité. Comme si j'avais moi-même survolé les pages. Et pourtant, j'ai bien tout lu.

C'est un pari osé de l'auteure de raconter en si peu de pages la vie des enfants après la mort de leurs parents, jusqu'à leur vie adulte, et les conséquences à retardement. Mais je n'ai pas du tout accroché. Certains moments sont fort touchants, c'est très bien écrit, mais par rapport à mes exigences narratrices, il y a trop de passages superflus (qui paraîtront importants pour d'autres lecteurs) par rapport aux beaux moments qui éveillent la curiosité et donnera envie de continuer.

Même si ce livre aborde les thèmes que j'aime et qui me touchent, l'ensemble est effleuré et manque réellement de profondeur. C'est un petit livre sans prétention, mais par rapport aux avis que j'avais lus récemment, je suis déçue et j'ai le sentiment que ce livre est fait pour un certain public. Quand je me suis rendu compte que je venais de lire la dernière page, j'ai eu un énorme sentiment de frustration.

Lu dans le cadre d'une lecture commune avec Anne Sophie, Mes Lectures... page après page